La scène de "Parlons des pressions" est bi-polaire : à gauche, un sociologue universitaire, un brin obsessionnel, parti en exploration des pressions externes ; à droite, une psychothérapeute improvisée qui s’hystérise souvent en évoquant ses pressions internes. La pseudo-objectivité scientifique et le feeling tout plein de bonnes intentions vont s’affronter, se confronter et... très vite se mélanger : car on constatera que notre sociologue glisse photos et commentaires personnels dans son diaporama, en place de chiffres, courbes et résultats d’enquête ; il a soif de subjectivité même s’il la tisse maladroitement à son discours ; et c’est du côté de la psychothérapeute qu’on verra surgir parmi ses nombreux gri-gris une bibliographie : elle, elle a faim d’objectivité.Ces deux-là n’ont pas de solutions miracles, mais tentent de bricoler des raisons et des palliatifs au malêtre ambiant, et d’abord, sans le savoir, à le leur propre.On a beau parler d’un objet, le mettre en discours et à distance, le sujet reprend ses droits, perce à travers la peau langagière, le corps déborde, envahit et trahit le sujet « par tous les pores » comme le disait Freud.C’est celui qui dit qui y est. Et on sent qu’ils le sont, déprimés, alors même que le rire est là qui traverse de part en part le spectacle. Déprimés tout comme nous sommes susceptibles de l’être ou de l’avoir été un jour. Nous sommes alors touchés au plus juste, car ce ne sont pas des types (l’universitaire maladroit et cartésien, la psychothérapeute holistique) qui sont visés, mais tout(e) un(e) chacun(e) et le rire c’est celui, salvateur, de l’auto-dérision. Précisément ce sens spécial de l’humour qu’on a tendance à perdre quand le temps n’est plus au beau fixe.
Valérie Brunetière, sémiologue et liguiste, Paris V
Ecriture : Jérôme Rousselet, Marie Gaultier
Mise en scène : Laurence de Rauglaudre
Interprétation : Jérôme Rousselet, Marie Gaultier